Mythes et légendes de l'Egypte ancienne

Mythes et légendes de l'Egypte ancienne (1)

Bienvenue sur ce site, cette page reprend des contes et légendes sur l'Egypte ancienne. Pour le respect des textes d'origine, je n'ai pas souhaité apporter de modifications aux textes, il s'agit donc d'une traduction basée sur des textes anciens.

Horus

Isis et Osiris : I. - Osiris

Isis et Osiris : II. - La quête d'Isis

Isis et Osiris : II. - Le deuil d'Isis et la résurrection d'Osiris

L'aventure de Sinouhît

Le conte de Rhampsinite

Le naufragé

__________________________________________________________________________________________________________

Horus :

Osiris ne mourut pas tout à fait sur la terre. Comme le grain enseveli en novembre sort du sol au printemps, comme l'arbre qui pousse des branches nouvelles, comme le Nil que la crue annuelle réveille de sa mort apparente, il avait laissé un rejeton. Le fils d'Osiris, comme le blé nouveau, comme le Nil rajeuni, comme le bougeon qui éclôt, était né après la mort de son père. Isis le mit au monde dans les marais du lac Burlos, non loin de Bouto dans le delta, où elle s'était cachée en un endroit qui s'appelle Chemnis, au milieu des grands roseaux. C'est là qu'elle garda et éleva dans la solitude, sans que nul oeil sût où il était, pour le garder des entreprises et des attaques de Seth, le mauvais. Tant qu'il fut en bas âge, il vécut tout nu, car il fait chaud dans les marais du Nil, paré et vêtu seulement de ses colliers et de ses bracelets, choisis pour leurs vertus magiques qui devaient écarter les ennemis du petit enfant. Sa mère, accroupie sur la terre pour être mieux cachée, le berçait sur ses genoux et le nourrissait de son lait. Et elle lui chantait une chanson qui disait : "Mon fils, Pépi, mon prince, prends mon sein, tette, mon prince, pour que tu vives, mon prince, toi qui est petit, mon prince". Et parfois, changé en épervier, il tétait sa mère du bout de son bec.

Elle le nourrissait, comme elle se nourrissait elle-même, de graines contenues dans la pomme du papyrus, ces grosses têtes larges et rondes qui se balancent sur des tiges hautes de vingt-cinq pieds, plus grosses que le bras d'un homme. De temps en temps, elle allait jusqu'à la ville passer toute la journée qu'elle employait à mendier. Elle demandait aux gens charitables quelque nourriture et le soir, à son retour, elle prenait Horus dans ses bras, son enfant si beau, son petit garçon en or. Et, un soir, le cherchant parmi les papyrus et les roseaux, elle le trouva sans vie, couché à terre. Le sol était trempé des larmes qu'il avait versées et l'écume souillait ses lèvres. Le petit coeur ne battait plus, les membres pendaient sans force et le corps blême semblait un cadavre.

Isis, la déesse, poussa un immense cri de douleur qui perça le silence, puis elle éclata en lamentations à haute voix, déplorant sa nouvelle infortune. Horus mort, qui restait pour la protéger, pour tirer vengeance de Seth, le méchant?Quand les gens du village le plus proche entendirent ses cris, ils accoururent et partagèrent son affliction ; eux aussi se mirent à pleurer à grands cris, à gémir bien haut. Mais si grandes que fussent leur sympathie et leur pitié, ni leurs larmes, ni leurs cris ne pouvaient rendre la vie au divin Horus!Alors une femme se détacha du groupe et vint tout près d'Isis, la mère éplorée. Cette femme était bien connue dans le village où elle possédait de grandes propriétés. Elle essaya de consoler Isis, la réconfortant, et lui assurant qu'Horus pouvait être guéri". Car, dit-elle, c'est un scorpion qui l'a piqué. Il a été blessé par le reptile Aunab". Isis, alors se pencha sur l'enfant pour vérifier s'il respirait encore ; elle vit la piqûre et, regardant de près, elle constata qu'il y avait du poison dans la plaie. Saisissant l'enfant dans ses bras, elle fit avec lui un bond (comme le poisson qu'on a déposé sur les charbons ardents), poussant des hurlements de douleur qui résonnèrent bien loin, bien loin, à travers l'espace. . . Au bruit de cette explosion douloureuse, la déesse Nephthys, la soeur d'Isis et d'Osiris, accourut, et elle aussi se lamenta et pleura amèrement, partageant le chagrin de la mère. Et arriva aussi la déesse des scorpions : Serquet. Nephthis conseilla à sa soeur d'invoquer , le dieu grand, et d'implorer son secour. Isis obéit. Elle cria, elle appela de toutes ses forces, elle hurla ses supplications désespérées et Râ, le dieu-Soleil, fit arrêter la course de sa barque divine : tout fut suspendu un instant sur la terre entière. Et le dieu Thot sortit alors de la barque et descendit à terre, Thot qui possède les charmes les plus puissants qui soient dans l'univers.

"Qu'y a-t'il?Qu'y a t'il, ô Isis, ô toi, la déesse des sortilèges, toi dont la bouche sait prononcer les maîtres-mots?Certainement, il n'est pas possible que le mal diabolique ait atteint l'enfant Horus?Car il est le protégé de Râ, le grand dieu. Rassure-toi, j'ai quitté la barque divine pour venir guérir ton fils". Ainsi Thot dissipa l'angoisse du coeur maternel, car il apportait les remèdes et la guérison. Se tournant vers l'enfant inanimé, il commança à réciter ses formules magiques, disant : "Eveille-toi, Horus! Réjouis le coeur de ta mère Isis, et permets à nos coeurs de partager sa joie!" La barque royale de Râ, le grand dieu, s'est arrêtée dans sa course pour le salut d'Horus et de sa mère Isis. Poison, descends dans la terre! C'est la volonté des dieux que moi, Thot, je guérisse l'enfant Horus, que je le sauve pour la consolation de sa mère. O Horus! ô Horus! réveille-toi! tu dois vivre pour ta mère". Et le petit enfant Horus revint à la vie pour la plus grande joie de sa mère. Alors Thot remonta dans sa barque des milliers d'années qui reprît aussitôt sa course majestueuse, et, d'un bout du ciel à l'autre, tous les dieux se réjouirent dans leur coeur.

Horus

Rendu à la vie, Horus continua de grandir, caché parmi les roseaux et les papyrus géants ; il apprit à lire dans les livres et il étudiait sur un rouleau de papyrus étalé sur ses genoux, pour apprendre à déchiffrer les signes sacrés. Il grandit ainsi et Osiris revint une fois sur la terre pour armer son fils et le préparer aux combats. Il lui demanda : "Qu'est ce qui doit être estimé la plus belle action dans la vie d'un homme?"Et Horus répondu sans hésiter : "Venger son père et sa mère de ceux qui leur ont fait du mal". Alors Osiris résolut d'offrir à son fils le secour d'un animal pour l'aider dans les combats, et il dit à horus de choisir son compagnon de bataille entre le lion et le cheval. Et Horus préféra le cheval "parce que, dit-il, le lion est bon contre les lâches, mais le cheval permet à son cavalier de poursuivre l'ennemis". Alors Osiris, rassuré, retourna vivre paisiblement dans l'autre monde. Horus se consacra tout entier au rôle de vengeur de son père. Il chaussa des sandales blanches pour traverser le pays. Il réunit autour de lui les Egyptiens restés fidèles à Osiris et rassurés depuis qu'ils avaient pour chef son propre fils ; on les nomma tantôt les survivants d'Horus et tantôt les serviteurs d'Horus. Ils comptent parmi eux des guerriers armés d'arc, des guerriers armés du boomerang conduits par le loup Ouponat, dont l'insigne est traversé d'une massue. Ils ne perdirent pas de temps pour attaquer les conjurés de Seth. Ceux-ci surpris par l'attaque, se métamorphosèrent en gazelles, puis en crocodiles, puis en serpents, tous animaux impurs et dévoués à Seth. Trois jours durant les chefs se battirent sans résultat, hommes d'abord, puis hippopotames - et la bataille continuait, corne à corne.

Isis, impatiente et inquiète, intervint pour aider son fils. Mais Horus, courroucé, se retourna contre elle comme une panthère du midi, et se mit à la poursuivre. Elle se sauva devant lui, il courut après elle, l'atteignit et, dans sa colère, lui arracha son bandeau royal. Mais Thot veillait : il la coiffa d'un casque à tête de vache, de sorte que souvent, on croit qu'Isis et sa compagne Hathor ne sont qu'une même personne. La guerre ne finit jamais ; le combat continuait sans qu'aucun fût vainqueur, si bien que les dieux appelèrent les deux rivaux devant leur tribunal, et tous deux convinrent d'accepter comme arbitre Thot, seigneur d'Hermopolis. Seth plaida le premier et prétendit qu'Horus ne pouvait pas être considéré comme le fils légitime d'Osiris, puisqu'il était né après la mort de ce dernier. Mais Horus prouva à son tour que le raisonnement de Seth était mauvais, et Thot condamna Seth à restituer au jeune Horus l'héritage d'Osiris. Les dieux ratifièrent ce jugement. Sibou, aïeul des deux plaideurs intervint à son tour : il divisa l'Egypte en deux. Seth eut la vallée du Nil entre Memphis et la première cataracte ; Horus reçut le delta. Ainsi fut coupé en deux l'héritage de Sibou que ses enfants n'avaient pas su garder. Plus tard seulement, les Pharaons réunirent à nouveau les deux royaumes et c'est pourquoi ils portent la couronne rouge du Nord surmontée du bonnet blanc qui était l'insigne des rois du Sud.

NB : D'autres disent qu'Horus reçut l'Egypte entière, tandis que Seth était relégué dans la Nubie, le pays rouge, et le désert de l'Ouest, cela expliquerait pourquoi les habitants de ces contrées ont toujours été les ennemis des Egyptiens.

Car la sentence de Thot, pas plus que l'arrangement de Sibou, ne mit fin à la lutte. Horus et ses Suivants continuèrent de combattre Seth et ses complices, les monstres hideux : hippopotames, crocodiles et les porcs sauvages (l'une de ces batailles est racontée tout au long sur les murs du temples d'Edfou). Vaincues, les hordes de Seth se retirèrent vers le Nord. Mais elles revinrent à la charge et l'on vit, dans une terrible mêlée, s'affronter les boeufs d'Horus et les ânes de Seth. Horus, le magicien, était le premier au combat. Un jour, il s'était métamorphosé en épervier pour s'abattre sur l'échine d'un hippopotame qui n'était autre que Seth. Mais celui-ci, forcé dans son gîte, se changea en gazelle et disparut avant qu'Horus, devenu faucon, ne pu le saisir. Un autre jour il prit, pour effrayer son ennemi, la forme d'un lion à tête humaine, et dont les griffes étaient tranchantes comme des couteaux. Mais Seth s'échappait toujours. . . Ses compagnons, toutefois, se lacèrent. On les vit s'embarquer sur le golfe de Suez pour retourner aux déserts de Nibie. Ils se croyaient en sécurité sur la mer, leur élément. Cependant Horus les poursuivit, les rejoignit dans la mer Rouge et les dispersa. Puis, il rentra à Edfou célébrer sa victoire.

Désormais, Horus fut le maître légitime de la terre d'Egypte. Et après lui, régnèrent ses descendants, Ménès qui fut le premier roi de la première dynastie des hommes, puis la longue suite des Pharaons de toutes les dynasties égyptiennes. Cependant, Seth n'est pas mort et à chaque heure du jour, le combat reprend entre les Suivants d'Horus, dieu de la lumière et les Serviteurs de Seth, dieu des ténèbres. Et chaque fois que le soleil triomphe des ténèbres et des nuées d'orages, les hommes célèbrent la victoire du vaillant Horus sur l'odieux Seth, aux ruses inépuisables.

______________________________

Isis et Osiris : I. - Osiris

Nouît, la déesse du ciel et Sibou, le dieu de la terre, s'étaient mariés sans le dire à Râ, qui ne leur aurait pas permis. Il se fâcha en effet dès qu'il fut averti de leur union. Il jeta sur Nouît un charme puissant destiné à l'empêcher à jamais d'avoir des enfants en tel mois et en telle année que ce fût. Il voulait ainsi la punir d'avoir épousé Sibou sans sa permission. Nouît fut désolée. A quoi bon se marier si l'on ne peut avoir d'enfants? Mais le dieu Thot eut pitié d'elle et de son chagrin. Il joua avec la lune une partie de dames, et il gagna la partie. Il recommença et il gagna encore. Après plusieurs parties, comme il gagnait toujours, il tint la lune à sa discrétion. Il se fit donner par elle un septante-deuxième de ses feux et de sa lumière : de quoi fabriquer cinq jours entiers. Or ces cinq jours n'appartenaient à aucun mois, ils étaient en dehors de l'année et du calendrier : de sorte que Nouît put, au cours de ces jours-là, mettre au monde plusieurs enfants, échappant ainsi à l'interdiction de Râ. Elle en eut cinq, les uns après les autres. Le premier des cinq jours arrachés à la lune, ce fut Osiris qui naquit à Thèbes. Il avait un beau visage, un teint mat et foncé, il était grand : sa taille dépassait cinq mètres. Au moment de sa naissance, on entendit une voix mystérieuse annoncer que le "maître de toutes choses était apparu à la lumière". Des cris de joie s'entendirent sur toute la terre, mais bientôt après on entendit des pleurs et des lamentations, car la voix, continuant à prophétiser, annonçait que de grands malheurs attendaient le nouveau-né. Un certain Pamylès de Thèbes, qui s'en allait chercher de l'eau dans le temple, entendit - et il fut seul cette fois à entendre - la voix qui lui ordonnait de proclamer qu'Osiris, le grand roi, le bienfaiteur de l'Univers, venait de naître. Il obéit et, pour cette raison, les dieux chargèrent ce Pamylès de nourrir l'enfant et de l'élever en le préparant à une extraordinaire destinée.

Quand Râ, lui aussi, de sa résidence lointaine, il entendit l'écho et le bruit de ces annonces, il se réjouit dans son coeur parce que, depuis longtemps, il avait pardonné à Nouît. Il fit venir son arrière-petit-fils auprès de lui et il le fit élever comme il convient à l'héritier du trône. Le second jour ce fut Harvêris qui naquit et le troisième jour ce fut Seth ; le quatrième jour vit naître à la lumière Isis et enfin, le dernier jour, ce fut le tour de Nephthis ; tous étaient les enfants de Nouît et les arrière-petits-enfants de Râ. Osiris grandit encore, et plus tard il épousa Isis sa soeur, et lorsqu'il devint roi, elle l'aida activement dans toutes ses entreprises. En ce temps là, les Egyptiens étaient encore à demi sauvages ; ils se dévoraient les uns les autres , ils vivaient en mangeant les fruits de la terre quand ils les trouvaient, mais ils ne savaient rien faire par eux-mêmes. A peine étaient-ils capables de se défendre contre les bêtes sauvages. Osiris leur apprit à reconnaître les plantes qui pouvaient les nourrir : le blé, l'orge et la vigne qui jusque là croissaient pêle-mêle avec les mauvaises herbes. Il leur enseigna l'art de fabriquer une charrue pour labourer et unehoue pour travailler la terre, et il leur fit retourner les champs et il en fit chasser le trop-plein d'eau ; il leur montra comment on sème et comment on récolte le blé et l'orge, comment on taille la vigne. Devant les hommes émerveillés, Osiris pressa les grappes et il but la première coupe de vin. Et même, comme tous les terrains ne sont pas propres à la vigne, il montra aux hommes comment on peut fabriquer avec de l'orge une boisson fermentée, la bière.

Isis

Isis, à son tour, leur expliqua qu'on ne doit pas manger son semblable ; elle les soigna et guérit leurs maladies en leur donnant de bons remèdes et en chassant par sa magie les démons, causes de leur mal. Elle leur enseigna aussi à vivre ensemble dans leur maison, mari et femme avec leurs enfants. Elle leur apprit à couper les gerbes de blé, à moudre le grain entre deux pierres plates, à pétrir la farine en pâte et à cuire le pain. Elle tourna du fil avec la tige du lin. Elle inventa aussi le métier à tisser et sa soeur Nephthis s'assit devant, tendit les fils, lança la navette et ourdit la toile, puis toutes les deux ensemble la blanchirent. Les hommes ne savaient pas non plus que la terre renferme des richesses. Osiris leur apprit à reconnaître les métaux dans leur gangue, il leur fit travailler l'or et forger l'airain ; ils surent désormais fabriquer des armes pour tuer les bêtes féroces, des outils pour travailler et même plus tard des statues représentant les dieux. Car Osiris leur apprit à respecter les dieux, à leur rendre un culte ; il désigna les offrandes que chacun d'eux reçoit volontiers, régla l'ordre des cérémonies, les paroles qu'il faut prononcer, le ton et la cadence des chants ; il fit construire les plus beaux temples et on tenta de reproduire l'image des dieux. Enfin il bâtit des villes et probablement reconstruisit Thèbes où il était né. Il fit encore autre chose pour les hommes. Avec Thot, l'ibis, dont les pattes et la queue sont bleues comme le lapis-lazuli et dont le corps est vert comme le jade ; avec Thot, le babouin, le dieu qui sait mesurer le temps, compter les jours, dénombrer les mois, enregistrer les années, Osiris entreprit de donner aux hommes un aperçu de la science des dieux qui connaissent toutes les choses visibles et cachées.

Thot, le seigneur de la Voix, le maître de la parole et des Lions, leur apprit à connaître les signes qu'il a inventés pour noter les paroles, pour garder mieux qu'avec la mémoire, les phrases et les formules auxquelles tout obéit dans l'univers ; et les hommes connurent cette chose merveilleuse : l'écriture. Et ceux qui sont les disciples et les adorateurs de Thot sont tous des savants et des mages, des scribes tout-puissants dont les manuscrits précieux contiennent la science divine. Et Thot et Osiris leur ont appris aussi à regarder et à comprendre le ciel étoilé, et ils leur ont donné aussi le sens d'une vie qui dépasse la destinée terrestre. Osiris voulut ensuite devenir un grand conquérant, dompteur de peuples, après avoir été un roi modèle, juste et pacifique. Il chargea la reine Isis de gouverner l'Egypte en son absence, et, rassemblant une grande armée, il partit à travers toute la terre et toute l'Asie avec Thot, l'ibis, et Anubis, le chacal. Mais ce fut un conquérant qui n'employait guère la force et la violence et les armes meurtrières. C'est par la douceur et la persuasion qu'il s'emparait des peuples . Les chants où la voix humaine était accompagnée du son des instruments amollissaient l'âme des hommes que sa parole charmait, et ils se laissaient persuader d'apprendre tout ce qu'il avait enseigné aux Egyptiens. C'est alors qu'on l'appela "l'Etre Bon : Ounnefer : celui qui se dévoue au salut des hommes". Nul pays ne lui échappa et il revint aux bords du Nil après avoir parcouru et civilisé la terre d'un horizon à l'autre. Il revint de la Très Verte, dans un bateau dont les rameurs avaient une arme de genévrier et une rame de cyprès. Mais il devait périr par l'ingratitude et l'esprit du mal.

A ces côtés vivait son frère, l'impie et violent Seth, Typhon, tel est le Mal qui subsiste auprès du Bien. C'était le troisième fils de Nouît, blanc de peau et roux de chevelure, roux comme un âne à poil roux (et c'est pour cela que les ânes lui ont été consacrés). C'était un violent, de caractère jaloux et sombre, et méchant. En l'absence de son frère Osiris, il aurait voulu être le roi et le maître de toute l'Egypte, et Isis ne l'avait empêché qu'à grand'peine de se révolter. Au retour d'Osiris, il y eut à Memphis de grandes réjouissances pour fêter le voyageur qu'on se plaisait à proclamer le Seigneur des champs verdoyants, le Maître de la vigne en fleur et le Dieu du grain de blè. Seth saisit cette occasion pour s'emparer du trône. Comme un bon frère, il invita Osiris à un grand repas qu'il offrit en son honneur, assisté de septante-deux officiers qui lui étaient dévoués, ses complices. Il avait pris furtivement la mesure de la taille d'Osiris et il avait fait faire un immense coffre de bois précieux curieusement travaillé, de la même grandeur. Il donna l'ordre d'apporter cette caisse au moment du banquet dans la salle où étaient les convives. Tous se récrièrent avec admiration sur la beauté de l'objet. Comme ils semblaient convoiter ce chef-d'oeuvre, Seth se mit à rire et à dire en plaisantant qu'il en ferait volontiers cadeau à celui de ses hôtes qui le remplirait exactement quand il y serait couché. Bien vite ils s'y installèrent les uns après les autres pour remplir le coffre mais , celui-ci ne convenait à aucun d'eux.

Osiris à son tour s'y coucha. Aussitôt les conjurés s'empressèrent de l'entourer, de rabattre le couvercle, de le clouer solidement et de le fermer exactement. Ensuite d'un seul élan, ils le soulevèrent, le balancèrent et l'envoyèrent dans le Nil où le courant le reçut et l'emporta jusqu'à la mer. A la nouvelle de ce crime horrible, partout la terreur s'empara des hommes et même des dieux. Bien vite, les dieux amis d'Osiris se cachèrent dans des corps d'animaux pour échapper à la méchanceté de Seth, qui, sans nul doute, leur eût fait subir le même sort qu'à son frère s'il eût pu les atteindre. Isis entra en grande détresse, elle déchira ses vêtements, coupa ses longs cheveux en signe de deuil et partit, égarée, à la recherche du coffre. Elle courait de tous côtés, dévorée par l'inquiétude et s'informant auprès de tous ceux qu'elle rencontrait. Elle chercha longtemps, sans jamais se reposer, c'est "la quête d'Isis". Elle fit le tour du monde en se lamentant, décidée à ne pas s'arrêter sans avoir retrouvé l'objet de sa recherche.

__________________________

Isis et Osiris : II. - La quête d'Isis

Isis/Osiris

Aussitôt son crime accompli, l'assassin, Seth, le dieu méchant, avait pris la précaution d'enfermer Isis dans une chambre de sa maison, afin qu'elle ne pût rechercher le cadavre qu'il avait jeté dans le Nil avec l'aide de ses compagnons. Mais Isis s'échappa de la prison. Elle rencontra Thot, le dieu grand, prince de Vérité, qui lui dit : "Viens, ô déesse Isis, reprends courage et confie-toi à moi, je te guiderai et je t'aiderai. Cache-toi et voici ce qui arrivera : tu auras un fils ; il deviendra grand et il sera beau, et il sera fort. Il siègera sur le trône de son père, et il vengera, et il sera le Roi des Deux-Couronnes ; le plus puissant des monarques qui règent sur la terre". Mais la déesse Isis à ce moment là ne pensait pas au petit enfant Horus, qui n'était pas encore né. Elle songeait qu'à retrouver le corps de son mari assassiné pour l'ensevelir et le déposer dans sa tombe. Elle réussit donc à quitter la maison de Seth dans la nuit ; grâce à Thot, elle était escortée de sept scorpions qui marchaient auprès d'elle et qui devaient mordre quiconque la menacerait ou même qui tenterait de s'approcher d'elle. Deux d'entre eux ouvraient la marche, explorant la route, deux autres l'escortaient, l'un à droite, et l'autre à gauche, la protégeant sur chaque flanc. Et les trois derniers, l'arrière-garde, la suivaient à peu de distance. Ils avaient tous reçu de Thot des instructions sévères et des ordres stricts : ils ne devaient parler à personne ; ils devaient avancer les yeux fixés à terre pour scruter le chemin, car les serpents et les vipères sont au service de Seth.

A painting on the wall of an unknown tomb at Tuna el Gebel shows Isis and Osiris seated on their thrones. Egypt, November 1962.

Et ceux qui marchaient les premiers, Trefen et Befen, conduisirent Isis jusqu'à la ville de Pa-Sin, à l'entrée des marais des Papyrus. En entrant dans la ville qu'il fallait traverser, l'étrange cortège intrigua les femmes installées à filer leur quenouille sur le pas de leur porte. Craignant sans doute qu'on ne lui demandât asile pour Isis qui se traînait péniblement, fatiguée de la longue étape, l'une de ces femmes rentra chez elle précipitamment et claqua bruyamment la porte au nez de la déesse, tout effrayée qu'elle était à la vue de cette escorte de scorpions. A cette insulte, les sept gardes du corps s'arrêtèrent pour délibérer. Après quoi, l'un après l'autre, ils s'approchèrent de leur chef, Tefen, et chacun à son tour injecta son venin empoisonné dans la queue de Tefen. Pendant ce temps , une paysanne qui habitait un peu plus loin et qui s'appelait Taha, quitta le seuil de sa maison, et s'avança pour acceuillir la voyageuse inconnue qu'elle ne soupçonnait guère d'être la déesse Isis. Elle l'invita à prendre du repos chez elle. Isis se réfugia donc dans la masure (vieille maison délabrée) de cette femme pauvre et charitable.

Tefen, le chef des scorpions avec sa queue bien remplie de venin, se glissa sous la porte de la méchante femme qui se nommait Usa, celle qui avait grossièrement fermé sa porte au nez de la déesse, et il piqua le petit enfant de Usa, et, du coup, voilà que par sortilège le feu prit à la maison qui se mit à flamber et il n'y avait d'eau nulle part pour éteindre le feu. Et le coeur de Usa était plein d'angoisse car elle pensait que son fils allait mourir (on ne vit pas longtemps après avoir été piqué par un gros scorpion). Alors elle se mit à courir à travers les rues de la ville, appelant au secours. Mais personne ne répondait à son appel, personne n'osait sortir de sa maison. Ce fut Isis qui vint à son aide. La déesse eut pitié du petit enfant et elle souhaita dans son coeur que cet innocent fût sauvé. Elle s'écria, appelant la femme Usa : "Viens me trouver, viens me trouver! Ma bouche possède le souffle de vie. Je suis une femme dont on connaît bien le pouvoir dans mon pays. Mon père m'a enseigné le secret qui chasse le démon de la mort. Moi, sa fille bien-aimée, j'ai le pouvoir".

Alors Isis étendit ses mains sur l'enfant dans les bras de sa mère, et récita cette formule : "O poison de Tefen, sors du corps de l'enfant, tombe à terre, ne pénètre pas plus avant son petit corps. O poison de Tefen, sors, tombe sur le sol. Je suis Isis, la déesse, la maîtresse des mots magiques et des charmes puissants. Je sais composer des formules qui guérissent, je sais dire les paroles qui charment le mal. Prêtez l'oreille à mes paroles : que chacun des reptiles qui a mordu voie son venin tomber à terre. Obéissez à ma voix. Je vous parle, ô scorpions. Je suis seule et dans la douleur ; je veux que l'enfant vive et que le poison soit sans action. Au nom de Râ, le dieu vivant, que la force du poison s'éteigne. Qu'Horus soit sauvé par sa mère Isis, et que celui qui a été piqué soit aussi sauvé. Et, tout à coup, bien que ce ne fût pas la saison des pluies, la pluie tomba du ciel sans nuages et la maison incendiée cessa de brûler ; les flammes furent étouffées et tout rentra dans l'ordre. La colère du ciel était vaincue par l'intervention d'Isis.

Et la dame Usa, désolée d'avoir fermé sa porte à la face d'Isis, apporta dans la maison de la paysanne sa voisine des cadeaux pour la déesse, qu'elle se rependait cruellement d'avoir méconnue. Ainsi, le petit enfant fut sauvé grâce aux charmes d'Isis. Et quand sa mère le vit bien portant et gai, elle revint une seconde fois dans sa gratitude, chargée de toutes sortes de bonnes choses pour Isis. Puis la déesse reprit sa route, en quête du corps de son mari. Partout devant elle les méchants esprits des chemins, les serviteurs de Seth, semaient la panique et, saisis d'épouvante, les hommes se cachaient si bien qu'Isis ne rencontrait personne qu'elle pût interroger. Une jour, cependant, elle aperçut des petits enfants qui jouaient sur le bord de la route et elle luer demanda: "Petits enfants, avez-vous vu passer par ici des hommes qui portaient un coffre très long et très lourd?" "Oui, dirent-ils, nous les avons vu. C'est dans la branche du Nil qui passe à Tanis qu'ils ont jeté le coffre et c'est par là que le flot a dû depuis longtemps l'entraîner jusqu'à la mer".

A row of columns from the Temple of Isis near the Mediterranean Sea in Sabrata, Libya, September 1963.

"Oh, dit Isis, se lamentant et gémissant de douleur, maudite, maudite soit cette branche du Nil. Mais vous, petits enfants, quand votre bouche dira des mots au hasard pendant que vous jouez dans la cour du temple, les sages vous écouteront, et dans les temps futurs, on tirera de vos paroles enfantines des présages parce que vous avez donné à Isis en quête des indications précieuses". Et elle reprit son chemin, toujours accompagnée des fidèles scorpions. Elle suivait les traînées de mélilot qui poussent le long des routes, car elle savait que là où Osiris était passé, le mélilot avec ses petites fleurs jaunes pousse et elle suivait la trace d'Osiris grâce au parfum et aux fleurs. Elle marcha longtemps, longtemps, car le coffre contenant les restes d'Osiris avait été porté par les vagues de la mer jusqu'à Byblos en Syrie, la ville d'Adonis. Le coffre avait échoué sur le rivage et un buisson le cachait aux regards. Par la vertu du cadavre divin, ce buisson devint un gigantesque acacia, si grand et si beau et si dru que son tronc poussa autour du coffre, l'enveloppa et le dissimula entièrement. Si bien qu'un jour, Malcandre, le roi du pays, découvrant cet arbre magnifique, le fit couper et, sans soupçonner l'existence du coffre, en fit faire une des colonnes qui soutenaient le toit de son palais.

Evening lights shine on the first pylon at the Temple of Isis along the Nile River.

C'est après cela que la malheureuse Isis, toujours en quête, arriva enfin à Byblos. Lasse et toujours affligée, elle s'assit auprès d'une fontaine et ne parla à personne. Elle attendait la nuit pour se transformer en hirondelle et c'est ainsi qu'elle découvrit le tronc d'acacia transformé en colonne au palais du roi Malcandre et contenant toujours le cercueil d'Osiris. Une hirondelle venait chaque nuit voleter autour de cette colonne en poussant à chaque seconde des cris de douleur, mais personne n'y prêtait attention. Enfin la déesse se décida à agir. Un matin, quand les servantes de la reine vinrent à passer auprès de la fontaine, elles aperçurent cette femme affligée et silencieuse comme à l'ordinaire. Mais ce matin-là, elle les salua et entama avec elles une conversation. Les femmes de la reine, toujours curieuses, ne demandaient pas mieux que de bavarder. L'étrangère leur offrit d'arranger leurs cheveux et de les tresser à la mode de son pays ; elle leur fit respirer l'admirable odeur dont ses cheveux étaient parfumés et elle proposa de leur en procurer. Bien entendu, elles se laissèrent parer, coiffer et parfumer à la mode du pays lointain de cette inconnue. Lorsqu'elles revinrent au palais, la Reine flaira ce parfum des dieux et, informée, elle demanda bien vite à voir l'étrangère. Elle l'envoya chercher et celle-ci lui plut.

Elle la garda auprès d'elle comme une amie et même, bientôt, elle la chargea de veiller sur son petit enfant. Cette reine, femme du roi Malcandre, était la reine Nemanou. Elle avait pleine confiance en sa nouvelle amie. Bien entendu, la reine ne se doutait pas du tout des procédés étranges de la nouvelle gouvernante. Elle ne savait pas que pour nourir ce petit, Isis se contentait de lui mettre un doigt dans la bouche. La reine ne soupçonnait pas non plus que, chaque nuit, Isis, transformée en hirondelle gémissante, reprenait sa folle envolée autour de la grande colonne du palais et cherchait un moyen de s'emparer de cette colonne et de son contenu. Il vint pourtant une nuit où la reine Nemanou, inquiète, se leva et alla voir ce qui se passait dans la chambre de son petit enfant. O surprise, le petit enfant dormait paisiblement, mais il était environné de hautes flammes, brûlant sans fumée autour de lui, tandis que sept scorpions de grande taille le veillaient attentivement. Aux cris de la reine, le roi Malcandre, les serviteurs, et même la gouvernante Isis, tout le monde accourut. Et d'un geste, Isis eut tôt fait de faire tomber les flammes. Les scorpions disparurent. Et Isis dit tristement à la reine : "Tu n'as pas eu confiance. Ton fils ne sera jamais immortel".

Chaque nuit, la déesse le plongeait dans le feu pour le purifier de ses éléments terrestres. Mais c'est fini. Jamais plus la déesse ne pourra recommencer. La reine fut attristée au-delà de ce qu'on peut penser. Quand au roi, tout honoré d'avoir abrité sous son toit une déesse, il demanda ce qu'il pouvait faire pour la remercier. Isis lui demanda la grande colonne. A l'instant même, le roi fit venir des charpentiers et, d'un coup de hache on abattit l'acacia. Isis elle-même en fendit le tronc. Après avoir arraché le cercueil d'Osiris, elle parfuma ce tronc, qui l'avait contenu, avec une précieuse essence, elle l'enveloppa d'une toile fine et elle le confia au roi et à la reine et aux gens de Byblos qui en firent un objet de vénération. Alors, Isis, la déesse, se mit en route, emmenant avec elle le cercueil qui contenait le corps d'Osiris, son frère et son mari. Le roi Malcandre la fit accompagner par ses deux fils aînés pour lui faire honneur. A peine en route, Isis fit arrêter la caravane. Elle fit ouvrir le coffre pour contempler le visage insensible de son époux. A cette vue, ses cris de douleur, ses gémissements remplirent l'espace vide d'une telle horreur que le plus jeune des fils du roi en resta stupide pour le restant de sa vie.

Cependant Isis, penchée sur le coffre ouvert, avait posé son visage contre celui d'Osiris et elle se lamentait. Tout à coup, levant la tête, elle s'aperçut que le fils aîné du roi l'observait curieusement. Indignée d'être ainsi épiée, elle le foudroya d'un regard terrible. Saisi d'une terreur insurmontable, il mourut sur-le-champ. Sans se soucier davantage du sort des princes de Byblos, Isis se remit en route. Après bien des peines, elle ramena le coffre et les restes d'Osiris en Egypte. Elle le déposa dans les environs de Bouto en un lieu solitaire et détourné où personne n'allait jamais.

______________________________

Cliquez ici pour accéder à la suite des contes et légendes de l'Egypte ancienne

URL d'origine : http://ibelgique.ifrance.com/mythesgrec/egypte1.htm
Voir aussi, pour Sinouhé :
Sinouhé : un texte sur ce héros de littérature de l'Egypte ancienne


Retour